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Libération
Critique

L'Homme tranquille

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Ciné Cinéma Succès, 16 h 55.
par
publié le 12 juin 2003 à 23h20

John Ford aimait les images, surtout les belles images. Autant dire qu'il les collectionnait, au vu et au su de tout le monde. Son film préféré était d'ailleurs Dieu est mort, une suite de vignettes sulpiciennes, composées comme autant d'ex-voto mexicains, racontant la persécution d'un prêtre dans un pays imaginaire, mordu par les vents du désert. Le film est d'une nullité désespérante, mais il l'aimait, c'est sûr. Au fil des ans, Ford a prétendu aimer d'autres films, la Prisonnière du désert, par exemple, ce western aux images baroques et maniaques de photographe itinérant, mais on soupçonne le vieux cinéaste d'avoir menti pour faire plaisir à quelques fordiens tardifs comme Bogdanovich. En vérité, à part le Mouchard, dont Ford était personnellement épris (il venait du classicisme muet, alors l'expressionnisme tordu, ça lui allait aussi), le seul film qu'il ait réellement aimé, c'était Dieu est mort. La chasse à l'homme, les cactus, la religion d'église, les déguisements de la foi, Henry Fonda en héros décalé de western prédylanien, que demander de plus au bon Dieu ?

Pourquoi s'étonne-t-on si peu de cette propension fordienne à l'esthétisme et au cliché ? Parce que Ford les transcende, ses belles images, ses images toujours trop soigneusement composées, trop soigneusement cadrées, comme autant de chromos qu'on accrocherait volontiers à son mur si on devait absolument y accrocher quelque chose. C'est dans cette optique qu'il faut voir l'Homme tranquille, merveilleux slogan d'