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Critique

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publié le 14 juin 2003 à 23h22

Malgré le caractère récurrent de l'opération, puisque France 2 diffuse ce soir le troisième volet cette série documentaire, l'effet «guerre en couleurs» reste toujours aussi sidérant. Notre rétine, formatée au noir et blanc sur le sujet depuis toujours, ne résiste pas au déferlement de couleurs des uniformes, des cheveux ou des robes des filles, des devantures des cafés ou des publicités géantes sur les murs dévastés des villes sous les bombes. Tout surprend, même le rouge du sang des soldats déchiquetés par les balles, même l'horrible pâleur des morts de Dachau, comme si on comprenait, une fois encore mais avec l'émotion de la découverte, que la guerre tuait.

L'autre élément stupéfiant repose sur le fait que ces images ont, pour la plupart, été tournées par des amateurs. Le documentaire s'ouvre d'ailleurs sur la visite du président Lebrun venu honorer de sa présence, le 8 mai 1939, les fêtes Jeanne-d'Arc à Orléans. Le défilé des militaires en tenue d'opérette, des magistrats en robe longue, des ecclésiastiques en pourpre et blanc, tout hurle le passé, et c'est comme si on le voyait pour la première fois. A cette époque, la pellicule couleur Kodachrome n'est disponible en France que depuis quatre ans, et pour développer le film il faut l'expédier en Belgique ou en Angleterre. Autant dire que plus personne, à partir de 1940, ne fera une seule image couleur. Du moins aucun Français, car les seules images tournées pendant l'Occupation retrouvées par René-Jean Boyer, le maître d'