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Libération

Le polo.

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publié le 18 juin 2003 à 23h26

Elle porte le dossard 347. On le devine par transparence sous son polo trop grand. Un polo blanc, léger, enfilé un peu vite, béant du col et boutonné jusqu'en haut. La course vient de s'achever. Marie-Jo Pérec est championne du monde. Elle est face à la caméra, elle sourit timidement. Son regard est celui de l'enfant qui se croyait moche sous le rire des enfants. Nous sommes le 8 août 1995, à Göteborg, Suède. Un journaliste de France 2 va poser la première question à l'athlète lorsque, de Paris, et en direct pour le journal de 20 heures, Benoît Duquesne, le présentateur, lui demande ses impressions (1).

Marie-Jo Pérec parle, un doigt posé sur l'oreillette. Elle lève à peine les yeux. «Un petit mot sur cette victoire ?» lui a demandé Paris. «J'espère que ça va m'encourager. C'est vrai que cela ferait plaisir d'en avoir une deuxième», répond la sportive. Machinalement, elle jette un regard sur l'écran de contrôle placé devant elle. Un éclat soucieux la fige. Elle remarque qu'on la cadre en gros plan. Parce qu'il ne pose pas de question, l'envoyé spécial a disparu de l'image. Seuls restent à l'écran le visage de Pérec, le col bâillant, ses épaules et un micro tendu. Son visage change. Elle fronce les sourcils. Passe une langue agitée sur ses lèvres sèches. Six rides s'inscrivent entre ses yeux. Elle lève la main droite, elle agite son doigt pour dire non. Elle fait un pas en arrière, se hausse, passe la langue. «Est-ce que votre jambe vous a fait souffrir ?» demande encore Benoî