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Libération
Critique

A l'ombre de Moulin.

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publié le 21 juin 2003 à 23h28

Encore un documentaire sur Jean Moulin ? Oui, mais de tout premier ordre. Le film de William Karel se révèle d'ailleurs moins un portrait de l'icône de la Résistance que le récit, passionné et émouvant, d'une fidélité inébranlable. Celle qui, au-delà de la mort, lie Daniel Cordier à celui dont il fut le secrétaire particulier pendant les années noires, son «frère dans l'ordre de la nuit» (1).

Pendant trente ans, le compagnon de la Libération Daniel Cordier restera un résistant aussi anonyme que discret. Mais, en 1977, tout bascule : lors d'un Dossier de l'écran consacré à la Résistance, il ne peut supporter les «calomnies» d'Henri Frenay, l'ancien chef très droitier du réseau Combat qui accuse «le cryptocommuniste» Jean Moulin d'avoir trahi de Gaulle et ses camarades de la France libre au profit des Soviétiques. Daniel Cordier va alors consacrer sa vie à la mémoire de son ancien patron. Parce que «ceux qui survivent ne sont jamais quittes à l'égard de ceux qui sont morts», le marchand d'art entre en histoire «comme un croyant entre en religion», travaillant «pour la plus grande gloire de la vérité».

Cordier pensait pouvoir publier une réponse argumentée de 300 pages au bout de six mois de recherche. Vingt-six ans plus tard, il n'a toujours pas achevé sa monumentale biographie de Jean Moulin ­ déjà trois tomes chez Lattès, plus une synthèse de mille pages, la République des catacombes, chez Gallimard. Alors, l'historien autodidacte poursuit sa tâche avec l'exigence morale de ce