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Libération

Les morts

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publié le 23 juin 2003 à 23h31

Au lendemain de Noël 1963, Jean Rouaud avait 11 ans et son père est mort. L'enfant puis l'adulte ont alors rebroussé chemin. Ils sont retournés sur leurs pas, ils ont parcouru tout le chemin volé qui fait le temps perdu. Le père a été retrouvé, et aussi le grand-père. L'enfant et l'adulte ont alors décidé de devenir écrivain. De livrer par fragments le livre des origines. Ce furent les Champs d'honneur, ou Des hommes illustres. Et lorsque leur mère meurt, en 1997, l'adulte et l'enfant la ramènent. Ils la questionnent. Elle leur répond. Et l'écrivain reprend ses mots. Nous regardons Jean Rouaud. Il est assis à distance. L'adulte parle. L'enfant a les yeux timides. L'écrivain, lui, a maintenant décidé de quitter les morts (1).

«Si j'ai fait parler les morts, c'est parce que j'ai beaucoup parlé avec les morts. Pendant trente ans, j'ai été sur la tombe de mon père. Et ce que j'ai vu et entendu dans cette fréquentation des morts, c'est que les morts parlent, ils ont des avis. Et quand je repartais du cimetière, j'avais reçu quelque chose. Ça n'implique pas du tout une croyance en l'au-delà, c'est simplement une pratique. Je parle avec les morts et les morts me répondent. Donc, ça m'a été assez facile de les faire entrer dans mes livres et de leur donner la parole. Comme à la fin du cycle, dans "Sur la scène comme au ciel", où je fais revenir tous les morts, comme ça, avec la statue du commandeur qui entre dans le magasin de mon père mort. Moi, j'ai écrit ces livres sur ma famille