Céline est triste et brune. Elle mâche un chewing-gum, elle fume en regardant ailleurs. Ses parents ont divorcé, elle vit seule avec sa grand-mère. Le jour de sa majorité, elle a démissionné du lycée et essaie maintenant de passer son baccalauréat en candidate libre. Nous la voyons sécher une épreuve d'art plastique. Puis sombrer à l'oral d'anglais. Elle vient de terminer la philosophie. Dans la cour du lycée, un ami l'attend. Il a une casquette de base-ball à l'envers sur la tête. Elle est face à lui, elle joue distraitement avec les écouteurs de son baladeur (1).
«Moi, j'ai pas fait référence genre à Kant et Machin», dit le garçon. «Ah ben non, ça c'est mauvais, par contre», répond Céline. «Non, c'est pas mauvais, justement.» «Si, c'est mauvais !» «Mais non, non !» Céline insiste : «Ben si, il faut référer.» L'autre approuve. «Ben oui, il faut référer, c'est ça !» «Oui, il faut donner des exemples», continue la lycéenne. «Comme Kant», confirme le lycéen. «Tu l'as fait ?» elle demande. «Ah non. Je n'ai parlé que de moi, si tu veux.» «Voilà, oui, exactement», lâche-t-elle, un peu rêveuse. «On a fait un peu de la merde», dit l'autre en fermant son blouson. Elle se tait. Il enchaîne. «Moi, j'ai mis des mots bizarres : subterfuge !» Elle éclate de rire. «Waou ! Toi tu as du vocabulaire, aussi. Moi, j'ai un vocabulaire simple, moi.» Il sourit. «Bon, les lettres ça va être moins dur», dit Céline. «Ouais. Heureusement qu'il y a deux sujets», répond le garçon. «Si c'est Primo Levi o