Au moment où ce qui reste d'avant-garde se réunit sous la bannière des films d'Alain Resnais (comme il y a une «musique concrète», il y a encore un «cinéma concret»), pointer la singularité du «cinéma-Resnais» devient urgent. C'est quoi exactement, le «cinéma-Resnais» ? Un bloc dans lequel il est inutile de vouloir séparer l'un de l'autre, tant l'un et l'autre sont nés siamois. Ce qui ne veut pas dire que le «cinéma-Resnais» est plus important, par exemple, que le «cinéma de Bresson» (ces deux-là font deux, c'est comme ça). Il y va juste de la vie d'un homme, de son tête-à-tête buté avec les musées, les statues, la mort. La mort dans tous ses états, celle qui pointe sous le rose des joues, sous le rouge du maquillage, sous le noir corbeau des cheveux. Resnais, c'est la mort, et rien d'autre.
I Want To Go Home est l'une de ses tentatives les plus escarpées. Film inachevé, film raté, c'est comme on veut. De toute façon, les plus beaux ratages font les plus beaux films (et même les plus belles oeuvres : voyez Godard, dont l'oeuvre entière n'est qu'un désastre, plus ou moins bien assumé). Entre deux films conventionnels, pour ne pas dire académiques, Mélo et Smoking/No Smoking, Resnais commande à Jules Feiffer une sorte d'autofiction en chansons (un dessinateur de BD vient à Paris pour une exposition), avec Adolph Green, le scénariste de Chantons sous la pluie, dans le rôle d'un Américain à Paris, un Américain qui ne parle pas un mot de français. Comédie musicale, documentaire on