Menu
Libération
Critique

Alouette, je te plumerai

Article réservé aux abonnés
Ciné cinéma frisson, 12 h 35
publié le 9 juillet 2003 à 23h45

Certains cinéastes manquent à leur place. On verra bientôt que le cinéma tranquille de Jean-Claude Biette, bien qu'il tienne évidemment des maîtres qu'il a fréquentés au point de s'en étourdir (comme tout initié qui se respecte), manque terriblement à sa place. Biette aspirait à un cinéma populaire, simplifié à l'extrême, accessible à n'importe quel public. Il savait que la nature d'un film (son secret, si l'on préfère) ne tient pas au nombre de ses spectateurs. De toute sa vie, il n'aurait pu faire un film aussi tordu, aussi difficile d'accès (et aussi mauvais) qu'un blockbuster comme Moulin-Rouge. L'essence de son cinéma était l'honnêteté et la simplicité, avec cette touche d'ahurissement poudré qui tenait à son amour, jamais démenti, pour les VF pourries des films américains qu'il voyait tous les jours dans les cinémas de quartier de son enfance.

On pourrait dire la même chose de Pierre Zucca. Le nom de Jacques Tourneur, ce nom de code pour «cinéma» qui va si bien à Biette, Zucca le porte lui aussi comme un gant. Timidité, intelligence, délicatesse érudite, autant de qualités qui ne sont pas prêtes d'être remplacées. Quinze ans déjà qu'Alouette, je te plumerai, l'un des derniers films d'auteur du cinéma français, sortait sur la pointe des pieds. Ce n'est pas son meilleur film, mais c'est un chef-d'oeuvre du mentir-vrai, un sommet de déclamation chuchotée. Pierre Zucca sait mieux que personne décomposer la réalité en tableaux vivants, à mi-chemin des dispositifs polymorphes