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Libération

La dernière migration de Germaine Aziz

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Disparition d’une figure singulière du «Libé» des débuts.
publié le 7 août 2003 à 0h32

Germaine Aziz est morte hier à Nice. Elle était âgée de 77 ans. De toutes les personnes qui ont été mêlées de près aux débuts de Libération, elle était sans doute la plus inattendue. Tout en effet la distinguait du profil type des membres de l’équipe qu’elle a rejointe en 1975. Elle était plus âgée d’une génération, n’avait aucun passé militant et se démarquait sensiblement du look baba-gaucho qui prédominait rue de Lorraine. Pourtant, alors que les membres de Libération se sont renouvelés selon un turnover assez élevé, Germaine y a fait sonner sa bonne humeur ­ et quelques colères­ pendant deux décennies.

Née à Paris dans une famille juive pauvre et vite éclatée, Germaine avait été envoyée à Oran après la mort de sa mère. Ses premiers pas dans la vie se sont déroulés dans les milieux les plus misérables du ghetto juif. Elle a elle-même raconté, dans les Chambres closes, son entrée dans la prostitution, qui devait rester son sort pendant de longues années. Son livre est un témoignage de première main sur la vie des pensionnaires de bordel, puisque Germaine avait commencé à exercer en Algérie avant l’application de la loi prohibitionniste connue sous le nom de son avocate, Marthe Richard. Germaine s’inquiétait d’un possible retour en arrière. Elle écrivait : «Dès son arrivée dans une maison de tolérance, la fille est obligatoirement “mise en carte”. […] Fichée, elle n’a plus le droit d’être en liberté. Tout déplacement doit