Mono Jojoy est assis sur une chaise de jardin, devant la table en plastique bleu qui va avec. Nous sommes dans la forêt colombienne, sous un chapiteau tendu de tissu camouflé. Face au chef militaire des Forces armées révolutionnaires (Farc), trente-cinq personnes, tassées sur des bancs. Ils sont otages de la guérilla. Certains sont militaires, capturés depuis plus de cinq ans. Et les autres, des civils enlevés. Profitant de la venue du chef, ils expriment leurs doléances (1).
«A propos des chaînes, c'est emmerdant, dit un jeune homme. Vous nous enchaînez avec deux cadenas et pour marcher, c'est une galère. Si le premier tombe, on se casse tous la gueule.» Mono Jojoy tapote la table. «Pour nous c'est un problème de sécurité. Nous avons sûrement exagéré, donc j'étudierai d'autres propositions mais pour l'heure, on ne change rien.» Carlos Duarte a été enlevé il y a quatre ans et trois mois. Il lève le doigt. «J'ai un problème d'infection rénale, et aussi au colon. J'ai une grosse boule dans l'estomac. Alors ?» Le prisonnier regarde son geôlier. Béret noir sur la tête, Jojoy le fixe en retour. «Alors ? Vous allez me laisser mourir ? Qu'est-ce que vous pensez faire de moi.» Silence. Du dehors, nous parvient le bruit humide de la forêt, les insectes, des poules qui se battent. «Autre chose ?», lâche le chef des Farc. «Non, non», répond l'otage. «Nous n'allons pas bien commandant», intervient Orlando Beltrán Cuéllar. Ancien parlementaire, il a été enlevé le 28 août 2001. «Ici, il y