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Libération

La victime.

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publié le 6 octobre 2003 à 1h15

C'est une rue de briques. Un village près de Valenciennes, Nord. Un tracteur laborieux encombre le passage. Collé sur la vitre arrière de la voiture qui suit, le mot «Savu». Le service de sauvegarde d'aide aux victimes en urgence. Laurent le psychologue et David le juriste rendent visite à l'ancienne boulangère du bourg, agressée dans sa voiture quelques mois auparavant (1).

Elle marche à petit pas. Elle peine. Ses yeux clairs sont soulignés de noir et ses paupières éclairées de bleu. Elle ouvre le portail, fermé à clef. Elle s'excuse. Elle parle haché. Elle est lasse de nuits mauvaises. «Bon, alors, comment vous allez ?», demande Laurent. Ils sont assis à la table en bois du salon. Elle souffle. «Vous dire : "bien bien", ce serait vous mentir, vous le savez bien.» Elle tend les poings. «Mais dans l'ensemble, je me fais violence.» «Pourtant, ça a bien évolué quand même ?», insiste son visiteur. «Vous vous souvenez, il y a quelques mois ? Vous restiez enfermée ici.» Elle hoche la tête. «Mais on se fait toujours agresser. Agresser. Agresser. Et en fin de compte, l'agression, on en peut plus. D'ailleurs, on se sent, je me sens constamment... constamment agressée. Agressée et menacée. Toujours à l'affût de quelqu'un qui va arriver. Qui va me... Me faire du mal... Qui va... Et ça, il n'y a rien à faire, c'est dans votre tête.» Nerveuse et mécanique, elle lisse le dessus d'une main avec la paume de l'autre. «C'est pas évident à 55 ans, de vous retrouver comme ça, sur le... Projetée