Menu
Libération

L'accusation.

Article réservé aux abonnés
publié le 13 octobre 2003 à 1h21

Le procureur regarde la foule. Plusieurs dizaines de femmes et d'hommes assis tout autour, jusque vers la colline. Et d'autres restés derrière, les bras croisés. Lui est debout, au milieu de la clairière. Chemise verte, lunettes noires. Son micro est relié à un mégaphone, posé sur une table en bois. Des enfants sont montés dans les arbres. Une vingtaine de prisonniers arrivent en colonne. Tous portent le costume rose pâle des détenus. «Vincent Munyaruburga», dit le premier dans le micro tendu. «Thomas Kanyaburera», dit le deuxième. Nous sommes au Rwanda, dans le secteur de Mushubati. Nous allons assister à une audience de la juridiction Gacaca, instance traditionnelle de réconciliation et de gestion des conflits. Bourreaux et victimes du génocide sont face à face (1).

«Ceux qui veulent accuser les détenus présents, venez ici dire pourquoi et déposer vos accusations», lance le procureur. Les visages sont graves. Les corps sont soudés. «Et vous, le public, si vous trouvez que quelqu'un ment, venez le contredire.» Il se tourne. Observe le silence. «Soyons clairs, continue le responsable, il n'y a que les rescapés qui peuvent accuser les gens.» Une femme s'avance. Maillot, pagne coloré autour des hanches, pieds nus. Le procureur tend son micro. «J'accuse Butembo, Kanigi et Ukunzwe.» «Qu'ils se lèvent», ordonne l'homme. Elle désigne du doigt. «Il était parmi les tueurs avec Kanigi.» «Tu l'as vu ?» interroge le procureur. «Oui. Je l'ai vu.» «Où l'as-tu vu ?» «Je l'ai vu ici, au che