Quelques mois avant de mourir, en 1973, à 55 ans, Melville signe un dernier film. Il aurait pu l'appeler comme ça, Un dernier film, mais ce n'était pas son genre. Il ne s'appelait ni Altman, ni Corneau. Il ne s'appelait même pas Melville, d'ailleurs. Pour le petit Grumbach, celui qui s'amuse avec une Pathé Baby à 6 ans, celui qui joue les héros de la Résistance dans les Forces françaises libres, «Melville», ça sonne mieux. Quand on aime Moby Dick, se choisir ce nom-là comme patronyme clandestin, ça coule sous le sens. Aimer le cinéma terminal de Melville, à défaut d'un cinéma plus vivant (en 1972, à part Fassbinder, plus grand-chose ne bouge), c'est mieux que rien. Préférer l'aviateur antisémite Renoir au petit juif résistant, ça coule aussi sous le sens, même si ça fait désordre. Le cinéma a toujours fait désordre, de toute façon.
Un flic est un film qui devrait interdire qu'on exerce sans rougir le métier de critique de cinéma (quel «critique» peut se vanter d'avoir défendu ce film en son temps ?), ou celui de journaliste, qui ne consiste au fond qu'à mettre des jolis mots autour d'une fiche de police. Melville met juste quelques images un peu ternes, un peu passées, autour d'une tragédie policière quelconque (disons hawksienne, pour dire quelque chose). Quelques mots, beaucoup de silence, une chanson d'Isabelle Aubret écrite par Charles Aznavour et mise en musique par Michel Colombier, le même qui sortit Jacques Demy de la mièvrerie entêtante de Michel Legrand. A l'image,