Disons que c'est une chanson. Elle n'est pas désagréable, même si elle est un peu mièvre. Comme une version alternative de Pretty Woman, une version nocturne, parisienne. A quoi bon, dira-t-on, dépenser une telle énergie à filmer en très gros plans, en trop gros plans, la rencontre de deux regards et de deux corps ? Qu'est-ce qui se fait plaisir en nous quand on filme ça ? Le cinéma est-il ce lieu un peu louche du plaisir onaniste, survendu pendant des années par Eustache, Carax ou Grandrieux ? Le cinéma est-il un lieu ou un lien, et si c'est un lien, suffit-il que deux bons V. L. (Valérie Lemercier, Vincent Lindon) s'y tripotent l'âme et le corps toute une nuit pour qu'il ait lieu ?
Le lieu de ce lien, c'est une chanson, Two Sleepy People, composée par Hoagy Carmichael, que Dean Martin et Line Renaud ont eu la belle idée d'enregistrer au printemps 1955. On la retrouve dans la bande-son de ce film-concept de Claire Denis, un film entropique, purement Haribo, purement inutile. La chanson dit que Claire Denis n'a pas sommeil, et qu'Emmanuelle Bernheim ne dort plus. C'est une chanson d'amour et de fatigue, qui raconte la jeunesse de Dean Martin et de Line Renaud. Ce même 27 avril 1955, ils enregistraient aussi Relax-Ay-Vous (Sammy Cahn-Arthur Schwartz), merveille de swing intimiste qu'on retrouve dans Memories Are Made of This (Bear Family). Mais c'est dans le volume 2 de cette intégrale Dean Martin (Return To Me, 1956-1961), qu'on trouve, pour peu qu'on les cherche, les raisons