On parlait de Jarmusch il y a deux jours, à propos de Vendredi soir, un film purement décoratif de Claire Denis (un film-Haribo, plutôt), sachant très bien qu'elle était de son camp, à Jarmusch, de son clan, comme elle est du clan Rivette, Wenders, Daney, une famille qui connaît le cinéma sur le bout des doigts. Jarmusch est-il de cette famille-là ? Sans doute pas, puisqu'il est le seul de sa génération à avoir transformé l'idée d'un postcinéma artificiel, purement décoratif, purement poseur, en quelque chose qui tient plus du cinéma que de la décoration ou de la pose. Pour faire simple, on dira qu'il fait de la pose (une pose à la Brando, à la James Dean, à la Mitchum) quelque chose comme un art qui tient plus du précinéma que du postcinéma. Exposition, surexposition, brûlure, tout ça fait sens avec une rare pertinence, une rare honnêteté, une rare acidité. Disons qu'il y est tout entier, du premier au dernier film, comme Matisse est tout autant là, tout autant entier, de ses papiers peints de jeunesse à ses papiers découpés de vieillesse.
Permanent Vacation est un film pré-Jarmusch, un numéro zéro. On n'en est pas encore au minimalisme brechtien un peu sucré de Stranger Than Paradise. Fureurs documentaires, errances droguées, saxophone écorché, Permanent Vacation est l'un des rares chefs-d'oeuvre du film rock, au même titre que Cocksucker Blues (Robert Frank) ou Renaldo and Clara (Bob Dylan).
Il est de la famille des «innocents sauvages» de Nicholas Ray (Savage Innocents, 19