Nous sommes dans la pénombre. Juste le bleu de l'écran qui scintille. Arsène est couchée, pull relevé, ventre nu. Elle sourit, le dos de la main sur ses lèvres. «C'est une belle petite fille. Comment vous allez l'appeler ?», demande l'échographiste. «J'ai pas encore choisi de prénom», répond la jeune femme. Le médecin la regarde. «Vous avez pris 15 kilos, c'est beaucoup.» «C'est pas ma faute. J'habite à l'hôtel. J'arrive pas à cuisiner.» «On a des diététiciens qui peuvent vous aider à choisir ce que vous mangez», insiste l'homme. «Je viens de vous expliquer que j'habite à l'hôtel. J'ai pas le choix», répète Arsène. «Arrêtez de me dire hôtel, pas hôtel, je ne sais quoi. Si vous ne faites pas attention, vous risquez d'avoir une césarienne.» Arsène Kouamé est Ivoirienne. Elle vit seule en France avec Christelle, sa fille de 3 ans. Elle attend un autre enfant, d'un père absent. Elle rentre à l'hôtel, chambre 106. Nous la suivons (1).
La pièce est petite et la fenêtre étroite. Les lits sont superposés. A terre, des vêtements, des sacs, les traces de l'exil. La table demi-lune est scellée. L'endroit ressemble à une cabine de bateau. Christelle a mis son jouet en marche. Un scooter rouge conduit par une poupée blonde. Le phare avant clignote. L'engin syncope une musique de dessin animé. Christelle retire son écharpe. Arsène range lentement son manteau. Le jouet est passé sous le lit. Arsène observe sa fille qui se dandine, debout dans l'espace qui reste. Le visage de la mère marque