Marin a 3 ans. Il est enfant, roumain et juif. Nous sommes en 1941. C'est la guerre. Le gosse est mis en joue par un milicien. Un soldat de la Garde de fer, la phalange nazie du collaborateur Antonescu. «Lors d'une perquisition chez vous, l'un d'entre eux met un pistolet sur votre tempe, la tempe de votre petit front d'enfant», dit Philippe Labro. Face à lui, Marin Karmitz. Un «marchand de films», comme il dit. L'homme parle timidement, regarde bien en face. Et, lorsqu'il sourit, c'est juste une esquisse. Nous sommes au creux de la nuit. A l'heure où la télévision murmure. Où les lumières se font douces et les mots comptés. La caméra musarde. Elle joue avec les visages et l'obscurité. Marin Karmitz raconte (1).
«Ils sont venus chercher mon père. Ils avaient amené une grande bassine de vitriol, pour le dissoudre. Il était arrivé à s'enfuir et on était nombreux, réfugiés dans un coin de cette très grande maison, sous la protection de l'ambassade anglaise. Parce qu'une partie de la maison avait été louée à l'ambassade. Et, pendant quarante-huit heures, j'ai passé beaucoup de temps avec un pistolet sur la tempe.» «Et vous en avez une mémoire très précise ?», interroge le journaliste. «J'en ai une mémoire très précise, qui revient très régulièrement. C'est l'objet de mes cauchemars. Je recherche d'ailleurs l'heure où ça s'est passé plus particulièrement, puisque c'est des moments où je me réveille la nuit.» Il penche la tête. «Mais surtout, je me suis souvent posé la question : "P