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Libération
Critique

Le Procès de Jeanne d'Arc

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Cinécinéma classic, 19 h 15
publié le 31 octobre 2003 à 1h38

Il suffit de dire que Bresson est le plus grand cinéaste français pour qu'il le soit.

­ Pardon ?

­ Il se suffit à lui-même, non ? Il est au-dessus de la mêlée des grands naturalistes (Renoir, Duvivier, Pagnol, Brisseau) et plus loin encore des audaces non naturalistes de l'avant-garde (Gance, Guitry, Godard, Moullet). Il est ailleurs, il n'y est pour personne. D'ailleurs, il ne répond même plus au téléphone.

­ Qu'est-ce que ça veut dire ?

­ ça veut dire qu'il préfère recevoir des messages plutôt que de décrocher le combiné.

­ Mais il est mort.

­ Et alors ? Pourquoi un mort ne recevrait-il pas des messages ? Melville téléphone tout le temps. Renoir, au téléphone, tu en as pour deux heures. Biette était moins bavard. Biette, ça pouvait durer une heure, une heure et demie, pas plus.

­ Tu te fous de ma gueule. Tu es censé écrire sur le Procès de Jeanne d'Arc et tu n'arrêtes pas de parler de conversations téléphoniques avec les morts.

­ Les morts ne sont jamais morts. C'est la leçon du cinéma, la leçon de Tourneur. C'est d'ailleurs sa seule leçon.

­ Je croyais qu'on mourait 24 fois par image, pas qu'on y vivait. C'est Cocteau qui disait ça, non ?

­ Cocteau ne sert à rien aujourd'hui. Sa poésie est datée.

­ Les dialogues des Dames du bois de Boulogne, le plus beau Bresson, c'est quand même Cocteau qui les a écrits.

­ C'est vrai que c'est superbe. Lui, il n'avait pas besoin de faire des arrêts sur image pour séduire. Il savait que ce sont les images qui te lisent, et pas l'inverse.

­ Et le Proc