Menu
Libération

Le trajet

Article réservé aux abonnés
publié le 3 novembre 2003 à 1h41

Irving est soucieux. Blouson de cuir et sac à dos, il marche courbé, le pas rapide et le front plissé. Irving vit à 200 kilomètres de Paris et travaille à Saint-Denis, en banlieue. Quatre heures de trajet quotidien. Aujourd'hui, nous le suivons. Il vient d'arriver gare du Nord et doit reprendre un train. Il a un micro sur lui. Il parle sans cesse (1).

«Je vais réussir à avoir le "et quart", là.» Le jeune homme chaloupe entre les voyageurs. Il marche sous les néons. «Bon, ça va peut-être le faire. Gare du Nord, 8 h 04.» Devant l'Escalator, une femme hésite. Irving s'approche, contourne. «Y z'avancent pas, eux !» Il prend l'escalier. Il sautille les marches, la main sur la rampe. «Allez, j'ai encore deux petites minutes.» Le tourniquet est loin. Il sort déjà son billet et le tient tendu devant lui. Il l'introduit. Dit «toc» machinalement, passe. «On va essayer de speeder, surtout s'il est là.» En bas sur le quai, une petite cohue. Il se fraye un passage. «Bon. Voyons voir. Il y a du monde.» «A l'approche», indique le panneau indicateur. «À l'approche ? Mais c'est pas le bon qui est à l'approche, là. Bon ben, il a été supprimé, voilà.» Il jette des regards de noyé vers le tunnel. Vers le panneau d'affichage. «Bon. A tous les coups... Ouah ! Un quart d'heure ?» Il attend. Observe la foule. Réfléchit à voix haute. «C'est une fourmilière, quoi. Non. C'est peut-être même pas une fourmilière parce qu'une fourmilière, à la rigueur, les fourmis sont organisées.» Il remonte le quai. «Bo