Menu
Libération
Critique

Un trio de passeurs en manque d'espoir

Article réservé aux abonnés
publié le 4 novembre 2003 à 1h42

Noir c'est noir, il n'y a (presque) plus d'espoir. «En Argentine, 70 % de la jeunesse n'a aucun avenir», nous confiait le cinéaste trentenaire Pablo Reyero en mai dernier à Cannes, où il présentait son premier long métrage, la Croix du Sud, tourné dans les pires difficultés, en ouverture de la section Un certain regard (Libération du 15 mai). Les trois héros de ce polar existentiel en sont la preuve. Javier, sa compagne junkie Nora et son frère travesti (et incestueux) Wendy sont chargés de transporter une cargaison de cocaïne qu'ils décident de subtiliser et de revendre à leur compte.

Jusqu'à ce que leurs commanditaires et le destin les rattrapent sur fond de carnage généralisé. Entre-temps, le trio maudit se sera réfugié chez les parents de Javier et Wendy, gardiens lessivés d'une station balnéaire fantôme balayée par les vents de l'Atlantique. Un décor hallucinant mais à l'histoire terrible. «C'est le Marquesado, raconte Pablo Reyero, une station balnéaire construite en 1976 en faisant exploser la falaise. Les militaires ont profité du dynamitage pour faire disparaître de nombreuses victimes de la dictature.» On s'attend à tout instant à voir apparaître les fantômes de ces desaparecidos, tant la Croix du Sud semble hantée par le passé douloureux du pays. Les acteurs, remarquables (avec une mention spéciale pour Humberto Tortonese-Wendy), ne ménagent pas leurs efforts pour donner vie à leurs personnages embarqués dans une dérive suicidaire dont ils ne contrôlent plus rien.