Septembre 1944 à Bergerac, Dordogne. La ville est libérée, les combats ont cessé. Aux Allemands, la Résistance donne l'assurance qu'ils seront traités en prisonniers de guerre. Les maquisards choisissent pourtant dix-sept ennemis, au hasard. Ils sont conduits à Saint-Julien-de-Crempse, où dix-sept otages français avaient été fusillés par l'occupant. Représailles. Les Allemands sont abattus et enterrés dans un champ. C'est fini. Le village fait silence. Nulle trace, jamais, de cette exécution. C'est alors qu'Emile Guet décide de tout raconter. Pendant plus de vingt ans, au nom de la parole donnée, cet ancien résistant se bat pour que les corps soient exhumés. Aujourd'hui, mardi 4 novembre 2003, Emile Guet a gagné. Les dix-sept soldats seront enterrés en Charente-Maritime, dans un cimetière militaire allemand. Pour l'instant, nous voyons la tractopelle avancer sur l'herbe humide (1).
Nous sommes au milieu d'un pré vert, en lisière de forêt. C'est le petit matin. Partout, compacte et blanche, une brume d'automne monte de terre. Le ciel est dégagé, mais le soleil hésite. Une bande plastique rayée rouge et blanc délimite l'endroit de l'ossuaire. Derrière, trois vaches regardent faire les hommes. Ils sont peut-être vingt. Quelques-uns travaillent dans la fosse, autour de la pelle mécanique. Ils ont passé les pantalons dans les bottes, ils portent des gants, ils retournent la boue à la bêche, au piolet. Avec leurs mains, ils épluchent les mottes. Des bâches bleues sont tendues sur l