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Libération

Le micro.

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publié le 10 novembre 2003 à 1h48

Nous sommes à l'hôpital de Riyad, Arabie saoudite. Il y a moins de cinq heures, une forte explosion a retenti en ville. Les premiers blessés arrivent, filmés en exclusivité par la chaîne Al-Arabiya. La caméra cherche le sang, les éclats, les griffures. Elle montre le saccage des chairs labourées. Nous regardons, nous n'entendons pas. Ces images sont diffusées en boucle, mais sans le son (1).

Voilà maintenant un enfant. Six ans, peut-être. Il est vivant, il va bien. Juste les jambes bandées, au-dessus de ses pieds nus. Il est en pyjama. Il est choqué. Il est assis dans un fauteuil roulant, tassé contre le dossier, les doigts solidement agrippés aux accoudoirs. Il y a trop de monde autour de lui. Quatre blouses blanches font cortège. Des dossiers médicaux s'agitent entre les mains. Il vient vers nous. Il est à notre hauteur. On arrête son fauteuil au milieu du couloir. C'est une caméra qui bloque le passage. Elle nous oblige à regarder l'enfant. Sa joue est à peine mâchurée. Un peu de poussière, un peu de sang. Il a dû mordre ses lèvres. Ces cheveux sont en désordre de nuit. Il s'inquiète. Les yeux levés, il regarde à droite, à gauche, comme si on lui parlait de partout à la fois. Nous n'entendons rien de cette confusion, mais le commentaire d'un journaliste en direct du Pentagone. C'est alors qu'un reporter saoudien se penche sur le petit blessé. Il pose une question dans son micro et le tend vers l'enfant. Le gamin se fige, micro sur bouche ouverte. Il se tait. Son regard a p