Menu
Libération
Critique

La force du «Dindon»

Article réservé aux abonnés
publié le 15 novembre 2003 à 1h53

On ne sait plus guère ce qu'est «la pêche au grelot», sport marital inventé par Feydeau. Parce que les femmes, désormais (peut-être ?) se soucient moins vertement de prendre leur légitime moitié en ultradélit et flagrant péché d'adultère. Au deuxième acte du Dindon, on a quitté le salon des Vatelin, avec sa porte à droite et sa porte à gauche et sa porte au fond ­ car vous n'ignorez pas que dans le vaudeville les portes, ouvertes ou fermées, soit s'ouvrant tout de go, soit se fermant in petto, ces portes sur lesquelles aussi bien les si peu héroïques héros se cassent le nez, bref toutes ces lourdes comptent férocement, participent au feu de l'action, à tous ses ressorts. (Ici redire que le théâtre de Feydeau est une mécanique : «Une sorte de laboratoire de microphysique sous forme de chambre à plasma, de chambre à dérives, ou de chambre à étincelles», comme le dépeint joliment le metteur en scène Lukas Hemleb qui a, de main de maître, dirigé dix-sept, excellents, acteurs de la Comédie-Française en ce jeu de désirs et d'énergies frôlant le délire. Au point que le temps lui-même, comme examiné à une échelle microscopique, semble se désagréger, s'atomiser. Hemleb compare le présent de Feydeau à une sorte de particule élémentaire, parle d'«une notion de l'instant dans toute sa nudité embarrassante, à qui on a volé le passé et le futur». Le passé en est détaché parce que l'instant contraint à mentir, et le futur s'évide parce que le mensonge ne va pas tarder à éclater. Hemleb ajo