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Libération
Critique

Amiante : morts de silence et d'étouffement

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publié le 18 novembre 2003 à 1h56

ça commençait toujours pareil, «une toux insidieuse, qu'on n'arrivait pas à guérir... Donc, le médecin l'a envoyé passer des examens et, là, on a décelé une tumeur. En fait, le mot n'était jamais dit.» Une toux et un silence, un silence au moins aussi gros que cette tumeur découverte trop tard... A l'arrivée, la mort par étouffement, lente, parfois trente ou quarante ans après l'exposition au risque. Une exposition même lointaine, même brève à l'amiante, reconnu cancérigène depuis 1906. L'amiante, sujet médiatique. Trop ? Sans doute pas, si l'on considère les décennies de silences, patronal, gouvernemental, mais aussi médical, syndical.

Daniel Cattelain, le réalisateur a voulu comprendre ces silences en revenant dans son village natal, Condé-sur-Noireau (Calvados), symbole de la contamination à l'amiante et de la lente lutte pour son interdiction. Dans l'usine Ferodo, fleuron industriel de Condé, Colette David était employée, dans les bureaux, donc à l'abri, pensait-elle. Jusqu'en 1996 où, après vingt-six ans passés dans un bureau, le premier diagnostic est tombé. Le médecin de l'usine la convoque, la prie de s'asseoir et lui annonce le diagnostic : asbestose, maladie professionnelle provoquée par l'inhalation de poussière d'amiante. Elle raconte l'entretien, cite des chiffres et, soudain, ses yeux s'embrument, ses larmes coulent.

Au-delà de l'émotion, dans chaque parole des témoins, se lit la révolte qui se résume très simplement : toujours la même histoire, des hommes, au no