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Libération

Le reportage

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publié le 18 novembre 2003 à 1h56

Claude règle sa caméra. Les bras le long du corps, casquette plate et gilet fermé jusqu'au col, Charles le regarde. Il est tout impressionné, tout silencieux, tout raide. Il a 76 ans. Il sculpte le bois. Nous sommes dans son atelier pour un reportage. Derrière lui, des plaques ciselées en relief racontent les animaux de la forêt. Claude, lui, est retraité. Et aussi reporter, animateur de Canal 63, qui diffuse chaque semaine une émission d'actualité pour les 501 habitants de Marville, Meuse (1).

«Bon, maintenant, vous vous remettez derrière», dit Claude. Il suit le sculpteur sur son écran en ouvrant un large cahier. «On va vous voir... On va voir... Voilà !» Charles a pris place à son établi. Il est figé et droit. «Je vous pose la première question», dit Claude «Ah oui ?», répond l'autre. «Entre mes questions et ce que vous allez me répondre, vous me laisserez quelques secondes.» Le cadreur lève la main. Il tend l'index, et le baisse. «C'est-à-dire que vous démarrez à mon doigt.» «A parler ?», interroge le sculpteur. «Voilà.» «Je démarre à votre doigt.» «Voilà.» Claude, l'oeil dans le viseur. Charles, immobile et tendu. Silence. «Bon. Je recommence parce que j'avais oublié d'appuyer sur "Rec"», dit Claude. Bip. Voyant rouge. «Voilà, c'est parti», murmure Claude. «Quand j'ai obtenu...», commence le sculpteur. «Non ! Non ! Non !», coupe Claude. Il fait des moulinets avec les mains, ferme les yeux. «Non ! C'est parti, c'est pour dire que ma machine est partie. Vous, vous ne démar