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Libération

Le caca.

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publié le 21 novembre 2003 à 1h58

Ils sont ouvriers d'usine, employés ou vendeurs. Hier, ils étaient écoliers. Nous sommes en Belgique. Leur instituteur s'appelait Jacques Duez. Pendant le cours de morale, chaque semaine durant plus de vingt ans, le maître a donné la parole aux élèves. Et il les a filmés. Voici donc Véronique. Cheveux bruns retenus en arrière, col roulé, l'écolière n'a pas dix ans. Ce matin, elle a décidé de réciter trois de ses poèmes. Le premier parle d'un chien, le deuxième d'un perce-neige et le troisième de son caca. Elle va les lire devant la classe, dans le micro et face à l'objectif. L'instituteur étant placé derrière, Véronique appelle la caméra «monsieur» (1).

Véronique lit. «Oh ! Joli caca que tu sens bon, avec ta robe brune perlée de brillants. Joli caca, je te connais bien, je fais tous les jours.» Elle relève la tête et nous regarde inquiète, en souriant. Bruissements dans la pièce. Quelques rires d'enfants. «Ça c'est beau. Faut pas rigoler», dit un écolier à lunettes. Puis Véronique s'explique. «Quand on va à la toilette, quand on va tirer la chasse, on a toujours son attention sur le caca.» Elle regarde la caméra. «Mais c'est vrai, monsieur ! Je ne dis rien de mal, c'est la vérité. Eh bien, quand j'ai pensé à ça, j'ai réfléchi. J'ai mis un quart d'heure au moins pour trouver les phrases, parce qu'un poème, c'est facile quand on l'a dans la tête, mais si on l'a pas dans la tête, c'est plus difficile. Il y en a, ils écrivent des textes doux et il y en a, ils écrivent ça brutalem