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Libération
Critique

Les fils impalpables.

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publié le 21 novembre 2003 à 1h58

Hélène Marini a filmé Un goût de sel comme on fait tourner les tables. Sous la trame du malheur absolu ­ un couple implose de chagrin après la mort accidentelle de son unique enfant ­ circulent des fils impalpables où s'enroule la présence des morts. Déjeuner sur l'herbe, fous rires, jeux d'enfants, corps alanguis. Quelques plans serrés (une femme se lèche méthodiquement les doigts, une nappe-suaire s'envole sous la bourrasque) détraquent la séquence idyllique. La nappe devient drap brutalement rejeté par Catherine au réveil du cauchemar. A son côté, Claude, allongé avec elle dans le rêve, chacun serrant une main du fin jeune homme assoupi entre eux. «Il dort», dit en souriant Catherine, «il est mort», répond Claude avec la même sérénité. C'est encore dans un demi-sommeil qu'ils captent un message sur leur répondeur : «Bonjour papa, bonjour maman, c'est moi. Je peux pas vous parler longtemps de là où je suis, mais je vais bien.» Ils passent et repassent la bande, sanglotent, s'étreignent, reconnaissent puis ne reconnaissent plus la voix, la chaleur du timbre. Ce coup du sort, hasard malheureux ou complot ourdi, on ne saura pas, fait partir Catherine en vrille dans les mains de braques mal intentionnés, qui font parler les morts contre rétribution. Ni dénonciation ni message dans ce Goût de sel. Car les faux mages ont comme tout le monde la capacité de faire advenir de vrais fantômes.

C'est sur cette lisière fragile que se tient Hélène Marini. Pour son premier long métrage, la