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Libération

La télé-réalité russe fait son blé en affamant les candidats.

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«Projet Golod» isole dans un pays étranger douze personnes sans les nourrir. A elles de trouver dans la rue des moyens de subsistance.
publié le 2 décembre 2003 à 2h09

Moscou de notre correspondante

La famine est de retour en Russie mais, cette fois, sous forme de jeu télévisé. Depuis début novembre, une petite chaîne privée, TNT, a enfermé douze jeunes garçons et filles dans une villa, copie assez fidèle de notre «loft», sauf que dans l'émission de TNT, les candidats n'ont rien à manger. «Il y a tout dans cette maison, répète la bande-annonce de ce Projet Golod (en russe, golod signifie faim ou famine). Deux confortables dortoirs, un jacuzzi, 40 caméras, 50 microphones. Tout sauf à manger !» Petit frisson supplémentaire pour un pays longtemps renfermé sur lui-même, les douze cobayes ont été emmenés à l'étranger. «Les nôtres, sans argent à l'étranger !», martèle un autre slogan de TNT, qui en dit long encore sur ce qui peut faire frémir le public russe.

Perversion. Dans un pays qui a réellement connu la faim dans les années 1920 et 1930, et où une grande partie de la population doit encore survivre au quotidien avec des retraites ou des salaires de quelques dizaines d'euros par mois, ce «projet famine» est particulièrement cynique. Efficace cependant en terme d'audience, apparemment : TNT affirme réaliser tous les soirs avec Golod «1,5 fois» son audience habituelle et atteindre près de 11 % de parts de marché. Le téléspectateur russe est grand consommateur de téléréalité : ces dernières années, il a déjà eu droit à différentes variantes de Big Brother, et il semble apprécier ce nouveau raffinement de la formule. Roman Petrenko, directeur gén