De tous les jeunes cinéastes français que Maurice Pialat a (bien involontairement) influencés, Cédric Kahn est sans doute le plus digne d'éloges. En bon disciple, il ne lui a d'ailleurs fallu que deux films pour dépasser cet héritage écrasant et réaliser un cinéma qui n'appartient qu'à lui avec l'Ennui et, surtout, le superbe Roberto Succo.
Son premier long métrage, en revanche, aurait presque pu être signé par Pialat lui-même. Il y a dans Bar des rails (1989) la même démarche naturaliste et la même méfiance des explications psychologiques que dans Passe ton bac d'abord. La même sensation d'un temps flottant, ralenti ou brusquement accéléré, avec des ellipses brutales, des explosions soudaines de violence (verbale ou physique) dans les séquences familiales. Il y a surtout la même exigence dans le choix des prises. Les acteurs butent souvent sur les mots, peuvent sembler gauches ? Pas grave: ce qui compte n'est pas la perfection technique de la scène, mais sa vérité. Et ici, Cédric Kahn a su capter comme rarement la vérité de l'adolescence comme état de l'entre-deux. Richard, 17 ans, couche avec sa voisine Marion, qui a dix ans de plus que lui, mais reste un petit garçon gêné dans un corps qui a grandi trop vite. Qui essaie d'agir comme les adultes (exemple: commander une bière au café) sans savoir exactement comment on fait. Qui dépêche son copain porter un message à sa maîtresse, comme une minette qui, dans une boum, enverrait sa copine pour demander à un garçon de sortir av