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Libération

Le week-end.

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publié le 8 décembre 2003 à 2h14

Le Thillot, dans les Vosges. C'est le tout petit matin, le frêle d'avant l'aube. Victor de Sousa allume une cigarette. Moustache, désordre de barbe, cheveux jais. «Je m'appelle Victor, j'ai 28 ans. Depuis l'âge de 17 ans, je travaille dans le textile. J'ai alterné les horaires. L'équipe, la nuit, la nuit, l'équipe. Là, on est samedi matin. Il est bientôt 5 heures. Je vais retrouver mon pote Filipe, qui travaille avec moi. Il est tisserand. C'est le début de notre week-end» (1).

Nous voici devant l'usine. Il fait jour, presque. Le blême des réverbères. Un chant d'oiseau fragile. Filipe da Cunha passe le portail, serre la main de Victor. Ils marchent sans un mot. Au-dessus de la ville, dans la montagne, en lisière de forêt, la brume s'attarde à fleur de lac. Dans le bourg, c'est jour de marché. Les commerçants installent leurs abris. Victor rentre chez lui. Ce matin, Manuel Oliveira travaille un petit jardin ouvrier. C'est son père. Il retourne la terre. Le fils arrache les herbes mauvaises. Puis ils s'assoient côte à côte sur le talus. Victor fume. Le père est fané. Une vie éreintée aux cadences de la chaîne. Victor lui dit de rentrer, de retourner au Portugal. Le père ne répond pas. Il a les yeux plissés. Il regarde son jardin de rien. Il se lève. Il remet sa casquette. Peu après cette image, il mourra. Maintenant, Victor scie une palette. Il en fait des planches. Sa mère les enfourne dans la cuisinière à bois. Le feu danse. Dans la casserole, des patates et du chou. Chaque s