Nous sommes à l'hôtel Intercontinental de Genève, le 1er décembre dernier. Dans le hall, se mêlent Israéliens et Palestiniens à l'initiative du plan de paix. C'est l'heure du déjeuner. Avant d'entrer dans la salle de restaurant, un membre de la délégation israélienne accepte de prendre une caméra française avec lui. Il s'appelle Abraham Burg. Nous le suivons. Kippa blanc et bleu sur la tête, il s'invite à une table occupée par des Palestiniens (1).
La salle est immense. Nappes blanches, lustres, tapis rouge et or. Au milieu des serveurs, les délégués vont et viennent. Ils parlent debout au milieu des travées. A la table de Burg, ils sont dix. L'Israélien tend un doigt vers son voisin. «D'où es-tu ?» «De Gaza.» «De Gaza ?» Il montre un autre. «Et toi ? Gaza ?» L'Arabe hoche la tête. «Et toi ? Encore Gaza ?» Le troisième a un petit geste. Le juif lève une main en défense, repousse sa chaise, fait mine de se lever. «Bon, alors j'ai compris. Je m'en vais.» Les Palestiniens rient. Abraham Burg rit. Il rapproche sa chaise. «Je n'ai jamais eu la chance d'être à la même table qu'eux», nous dit-il. «Je ne vais quand même pas m'asseoir avec des Israéliens ? Je suis là pour être avec ces gens-là.» Il parle avec l'homme à sa droite. «Où avez-vous appris à parler hébreu aussi bien ?», lui demande le journaliste. Isham Abdel Razek se retourne. «En prison. J'ai passé vingt ans dans les prisons israéliennes. Alors même si je n'avais appris qu'un mot par jour, aujourd'hui je connaîtrais le di