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Libération
Critique

Le Reptile.

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TCM, 12 H.
publié le 11 décembre 2003 à 2h17

Quand les personnages d'un film de Mankiewicz ne s'affrontent pas à coups de répliques cinglantes, c'est un narrateur en voix off qui monopolise la bande-son. La séquence inaugurale du Reptile ­ des chevaux avancent dans la nuit, les sabots emmaillotés, une domestique noire ajuste son bandeau en silence ­ a donc de quoi surprendre : elle est muette... L'anomalie ne s'arrête pas là. Le Reptile (There Was a Crooked Man, 1970) se situe au confluent du western et du film de prison, deux genres que l'on aurait pu croire totalement étrangers à un cinéaste dont les héros sont souvent des aristocrates, des artistes ou des fins lettrés habitués du grand monde. Corollaire : les (rares) personnages féminins sont ici réduits à des silhouettes caricaturées, alors que Mankiewicz, de Madame Muir à Cléopâtre en passant par Eve, a réalisé quelques-uns des plus beaux portraits de femmes du cinéma hollywoodien. On comprend mieux pourquoi le Reptile est le film le plus mésestimé de son auteur. Mais ne serait-il pas sous-estimé ? Le cynisme virulent de ce western réaliste n'est jamais que l'avatar exacerbé d'une vision misanthrope du monde à l'oeuvre depuis Chaînes conjugales (1948). Et si Mankiewicz n'a pour une fois pas écrit le scénario (signé par Robert Benton et David Newman, qui avaient déjà fait preuve de leur esprit iconoclaste dans Bonnie and Clyde), le Reptile développe son thème favori : la parole comme instrument de pouvoir et de manipulation des personnages autant que des spectateur