«L'Etoffe des héros n'est pas une superproduction, mais un film intimiste qui a coûté très cher», expliquait Philip Kaufman lors de la sortie du film en 1984. Au-delà de la boutade, l'analyse très juste du réalisateur souligne l'ambiguïté qui féconde sa chronique passionnante des premiers programmes spatiaux américains. Au cours des trois heures de cette saga à grand spectacle, adaptée du livre-enquête du journaliste Tom Wolfe, Kaufman jongle avec une admiration sincère pour les pionniers de l'espace et une analyse critique dévastatrice de leur environnement. Côté pile : la nostalgie pour ces années 60 quand les Etats-Unis trouvaient dans les étoiles une nouvelle frontière et de nouveaux héros, des astronautes présentés clairement comme des cow-boys modernes. Côté face : la description sans fard de l'amateurisme criminel qui régnait à la Nasa, prête à tout pour combler son retard sur l'URSS. Côté pile, encore : une mise en scène ample et généreuse, un souffle épique qui peut, suivant les scènes, rappeler le meilleur de John Ford ou déraper dans le mysticisme new-age (la ridicule «communion» avec les aborigènes). Et, côté face, un décryptage sarcastique de la manipulation médiatique dont les sept pilotes du projet Mercury furent les victimes plus ou moins consentantes la mise en scène de Kaufman est sur ce point limpide : la conquête spatiale fut avant tout une question d'image. Les deux visages de l'Etoffe des héros sont parfaitement résumés par le personnage de Chuck Yeag
Critique
L'Etoffe des héros
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par Samuel DOUHAIRE
publié le 16 décembre 2003 à 2h21
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