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Libération

La nuit.

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publié le 9 juin 2005 à 2h32

Tarek vit à Paris, dans une chambre de rien. Tarek est algérien. Avec Abde, son neveu, ouvrier comme lui, il partage le réduit, la canadienne et la mobylette. Martin est policier. Il y a trois jours, son collègue est tombé sous les balles du FLN. Nous sommes le 2 octobre 1961. Il fait nuit. Tarek sort de l'usine. Il est agenouillé devant sa mobylette. Au loin, les phares jaunes d'une automobile. C'est Martin qui conduit. Avec lui, trois gardiens en civil. «Attends ! Attends, il y en a un, là !», dit un policier. La voiture de Martin s'arrête (1).

«On peut vous aider?», demande un policier à moustache. «Non, ce n'est rien, c'est la bougie», répond Tarek. Le policier descend. «Si, on va vous aider.» «Non, non. C'est rien. Ça va.» L'ouvrier est inquiet. «Tu fais quoi, là ?», demande le moustachu. «Je sors du travail.» «T'as tes papiers ?» «Oui.» Tarek fouille dans sa poche. «Non, attends, on va voir ça au commissariat.» «Mais je les ai !», supplie Tarek. Un policier l'agrippe. «N'aie pas peur.» «Et ma mobylette ?» «Je m'en occupe», dit le moustachu. Tarek est jeté sur le siège arrière.

Le moustachu surveille la rue déserte et renverse la mobylette d'un coup de pied. Maintenant, la voiture roule en bord de canal. Depuis le début de l'année, vingt et un policiers ont été abattus par la résistance algérienne. «Je peux vous affirmer que, dans tous les cas, vous serez couverts», a dit le préfet Papon aux hommes du rang. «Descends», ordonne le moustachu. «Non !», répond Tarek. Martin r