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Libération
Critique

Sartre, les mots pour se dire.

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publié le 10 juin 2005 à 2h33

Début des années 70. Face à la caméra, Sartre cause et cause encore. A ses côtés, Simone de Beauvoir opine du bonnet. La fumée de cigarette forme un brouillard opaque. Quelqu'un demande à Sartre : «Pourquoi avoir choisi la philo plutôt que la littérature ?» L'intéressé parle de sa découverte de Bergson, de cette «vérité soudain descendue du ciel». Mais Sartre hésite alors à se lancer vraiment dans la philosophie. Il se souvient : «Il y a eu toute une époque où elle (montrant Beauvoir, ndlr) me disait : "Si vous n'êtes pas doué pour ça, n'en faites pas !"» Finalement il était doué. Mais en cette année du centenaire de sa naissance, on ne sait plus très bien si on célèbre le Sartre philosophe ou l'homme public, l'écrivain, l'essayiste. La soirée d'Arte (rediffusion de décembre 2001) permet de revisiter le bonhomme. D'abord via un rapide inventaire de l'héritage, complexe, discuté, avec des témoignages de Michel Contat, BHL, Jean-Toussaint Desanti, Benny Levy. Le philosophe Alain Badiou conclut sur l'impossibilité d'un nouveau Sartre avant longtemps : «Il ne peut y avoir des éveilleurs de conscience que lorsqu'il y a de grandes contradictions, des positions à prendre. Or aujourd'hui, personne ne semble voir de grandes perspectives alternatives. Dans ces conditions, quel est l'usage de notre liberté ?» Un nouvel éveilleur de conscience viendra peut-être, «mais on part de très loin», ironise Badiou.

Viennent ensuite trois heures de causeries de Sartre, enregistrées entre 1970 et 1