Le film a été interdit en Egypte au motif qu'il personnifiait le prophète Joseph. Sous ses airs de péplum gracieux gonflé aux hormones, bourré de décors somptueux et de paysages désertiques évoquant l'Egypte d'Akhenaton, l'Emigré est un film important de la fin du siècle précédent : parce qu'il touche aux questions de l'interdit de la représentation actualisé par la flambée intégriste, que les jeunes Egyptiens s'y sont intéressés, qu'il est porteur de l'une des plus belles marottes autobiographiques et testamentaires de Youssef Chahine : les échanges bienfaisants entre les peuples et les civilisations.
Un jeune berger dont la tribu est victime de la sécheresse se rend en Egypte pour y apprendre l'agriculture ; impliqué dans des conflits de pouvoir qui le dépassent, il réussit à tirer son épingle du jeu et sauve même son pays d'accueil de la famine, avant de rentrer, comblé, embrasser son vieux père (Piccoli). Le rayonnement de l'Egypte correspond à la vision fascinée de Hollywood qui fut celle de Chahine lorsqu'il fit ses études en Californie. L'expérience acquise là-bas, il se devait de la faire fructifier dans son pays, telle est la responsabilité que revendique le film et le sens de toute l'oeuvre.
L'Emigré (qui, arrivant après la trilogie autobiographique autour d'Alexandrie, opère comme un retrait pudique) parle de transmission, du drame des sociétés qui excluent leur jeunesse, leur interdisant d'acquérir un savoir à céder à la génération suivante, le temps venu. L'Emigré