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Libération
Critique

Noir destin nordestin

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publié le 13 juin 2005 à 2h34

Il est penché vers un tronc d'arbre, il chante : «Je suis ici, dans les bras de la solitude. Ça m'a rendu fou. Ma vie, ne me laisse pas ainsi, je meurs d'amour.» Il chante à sa douce peut-être ou à la vie, chienne de vie, qui l'a fait naître dans le Nordeste, une région du Brésil. Le Nordeste, sur une carte de géographie, c'est un sacré bout de terrain brésilien. Dans la vraie vie, c'est l'image que l'on peut se faire, très petitement, de l'enfer. Le soleil, sans relâche, cuit la terre et brûle les êtres. Au Nordeste vivent des enfants, des femmes, des hommes qui crèvent de faim. La chose fait de temps en temps un titre dans les journaux, on entend les mots de révolte de paysans. Loin du Nordeste, il y a São Paulo où rêvent de partir les plus jeunes. Là-bas, ils mangeront.

Dans le film d'Andrea Santana, architecte et urbaniste, et de Jean-Pierre Duret, ingénieur du son dans les films de Pialat, des frères Dardenne, des Straub, il y a donc ceux qui partent et ceux qui restent. Ce sont eux d'abord que l'on regarde. Ces hommes qui pendant des heures mettent le feu à des fagots de broussaille. Et il faut fixer ce brasier, enfer dans l'enfer, qu'ils accompagnent de cris aigus, gouttes d'acide dans la tête du spectateur. Ces hommes qui coupent des arbres asséchés depuis longtemps. Ces femmes qui attendent la pluie pour planter quelques graines de haricot. Ces mains de petites filles qui jouent avec huit ou neuf graines blanches. Ces grands-parents qui parlent de ceux qui sont parti