Menu
Libération
Critique

Gare centrale.

Article réservé aux abonnés
CinéCinéma Classic, 20 h 45.
publié le 17 juin 2005 à 2h38

Trente-cinq films et quelques apparitions à l'écran comme acteur. Youssef Chahine voulait initialement être comédien et faire du théâtre, mais ses professeurs d'art dramatique à Pasadena en Californie l'ont convaincu qu'avec son immense pif et ses grandes oreilles, il était trop laid. Devenu cinéaste, Chahine réserva à Gare centrale (1958), son onzième long métrage, un sort particulier. Il joue lui-même le rôle de Kenaoui, vendeur de journaux boiteux, pauvre diable traînant sa solitude dans le microcosme bouillonnant de la gare du Caire, bouffon tragique à qui Chahine donne une dimension shakespearienne en mixant son statut misérable avec l'intelligence perçante de son regard, la légèreté dansante de sa démarche (prendre la place de l'analphabète pour en comprendre quelque chose). Gare centrale est un film-tournant pour Chahine parce qu'il y exprimait une audace nouvelle, affrontant ouvertement la question de la frustration sexuelle, expérimentant un récit éclaté, avec montage rapide et heurté, pour esquisser des parcours individuels (les affects de chacun) tout en cherchant le point nodal d'une dynamique collective (la tentative de création d'un syndicat des porteurs). Kenaoui bave de désir devant la marmoréenne Hanouma (la bombe Hind Rostom), de son état vendeuse de limonade à la sauvette dans les wagons en partance. Rendu fou par son indifférence et ses moqueries, Kenaoui bascule dans le crime. Magnifique noir et blanc, mise en scène suggérant que l'existence est une gare