Francia et Suzie sont allongées sur leur lit. Elles sont amantes. Francia a passé un bras sous sa tête, une radio est posée sur la couverture. «A quelques centaines de miles de l'Amérique, loin des lesbiennes drôles et consommatrices que l'on croise dans les films, il y a des pays où être lesbienne aujourd'hui c'est d'abord aimer quelqu'un et pouvoir le dire, explique le commentaire. Ici, il faut inventer son identité dans le chaos des esprits et ruser avec eux.» Nous sommes à Jacmel, petite ville au sud de la capitale haïtienne. Suzie et Francia écoutent Megastar, une radio de Port-au-Prince. Au micro, une lesbienne témoigne (1).
«Je vais te mettre toute nue, sans sous-vêtements, pour faire une lecture de toi», dit le présentateur. L'invitée le regarde dire. «Raconte ton premier baiser. Quel effet ça t'a fait ?» «Mon premier baiser avec une fille, j'avais 10 ans.» «Attention ! Tu as dit une fille ?», couine l'homme. «Exactement», répond la femme. Sur le lit, Francia et Suzie sourient. «Elle avait quel âge ?» «9 ans.» «Mais qui a fait des avances à l'autre ? Parce qu'à 10 ans...» «Tu me laisses parler ?, coupe la femme. Elle m'a draguée et j'ai accepté, à cause d'un manque d'affection de mes parents. Plus tard, j'ai réalisé que c'était ce manque affectif qui m'a fait accepter ses avances. Après, j'ai assumé ce que j'étais.» «Je crois qu'elle en avait simplement envie», commente Suzie. «Mais oui, ce n'était pas à cause de ses parents», ajoute Francia. Elles observent le plafon