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Libération
Critique

Au coeur des ruines du prolétariat.

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publié le 27 juin 2005 à 2h45

Partie I : Acier. A gauche de l'écran, la lumière diffusée par un lampadaire est rougeâtre. A droite, la lumière est verte. Des hommes, du rouge au vert, passent d'un monde à l'autre. Avant, ils étaient des Russes, maintenant, ce sont des ouvriers russes. Sans doute les deux termes sont-ils synonymes de perte, de vide.

La première partie de cet époustouflant documentaire se passe dans une aciérie héritée de l'ex-URSS. Deux hommes introduisent des pièces de métal dans une machine. Plus tard, image fixe des fourneaux. Des hommes font une pause, filmés de l'extérieur, une radio diffuse du piano. Ils jouent aux cartes. Puis, à nouveau, les fourneaux. Un homme se penche vers l'entrée. Un autre, une longue tige à la main, semble agiter quelque chose, puis sort, incandescent, un morceau de métal en fusion. Un homme, marteau à la main, frappe sur les boulons d'une cheminée. Le son nous parvient en décalé. Le son justement, dans cet univers où personne ne parle. Cassé, rouillé. Ces hommes silencieux, ces fourneaux, ces blocs de métal en fusion, jadis et naguère auraient exalté la grandeur du prolétariat soviétique. En 2005, «grandeur», «prolétariat» et «soviétique» ont sombré avec l'URSS. Restent des ruines et des fantômes, ouvriers sacrifiés.

Partie II : Argile. L'argile quand on la travaille ne produit pas les mêmes sons. Glissement, bruit mat de la brique qu'une ouvrière jette sur le tapis roulant. Autre monde ? Non. Mêmes mouvements mécaniques, mêmes silences. Et l'on voudrait trou