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Libération
Critique

Les Anges du péché (4).

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publié le 28 juin 2005 à 2h45

Deux garçons plus très jeunes. L'un est mort, l'autre est vivant. Appelons-les Serge et Louis. C'est Louis qui parle le premier.

­ C'est parce Bresson zozote qu'il est le plus grand.

­ Tu peux m'expliquer ?

­ C'est le bouleversement des sens.

­ Le bouleversement complet ?

­ Oui.

­ Il a commencé quand ? A zozoter ?

­ Dès qu'il a eu une caméra en main.

­ Il tremblait ?

­ Oui. De tout le corps.

­ Tu as vu ça comment ?

­ Dès son premier film, je l'ai su. Il était nu, il tremblait.

­ C'était quoi, ce film ?

­ Les Anges du péché.

­ Ça doit être troublant.

­ C'est une expérience initiatique. Tu connais l'argument ?

­ Non.

­ C'est Bresson qui parle : «Brückberger m'apprit qu'il existait une congrégation où le mal vivait sur le même pied que le bien. Les religieuses réhabilitantes et réhabilitées étaient confondues sous le même uniforme.»

­ Ça a l'air vicieux. Il y a du sperme ?

­ Des baquets de sperme, tu veux dire.

­ Au sens propre ?

­ Au sens sale. Il faut lessiver entre les plans.

­ Lessiver quoi ?

­ Les saletés, les souillures.

­ C'est son versant Balthus ? Son versant Klossovski ?

­ Sade, plutôt.

­ Tu exagères, Loulou.

­ Sans raconter la fin, on peut s'arrêter à la séquence la plus érotique de tout le film. C'est la seule fois où Bresson a filmé hard. Anne-Marie, renvoyée du couvent, revient hanter le cimetière. Elle s'attarde sur la tombe du père dominicain. Les pas mystérieux que les soeurs avaient relevés, c'était donc elle. Revenue à la vie civile, elle a de nouveau son tailleur chic, sa jupe plissée