Jacques va voir tous les films. Il ne rate rien. Ni les films naturalistes français, ni les nanars américains, ni les films de karaté coréens, ni les documentaires finlandais. S'il y avait des comédies musicales béninoises non sous-titrées, il irait les voir. Ça fait cinquante ans qu'il voit vingt films par semaine. Quand il est passé au bureau, je lui ai demandé s'il avait vu la Diablesse en collants roses. Tu veux rire, j'ai dû le voir une dizaine de fois, a dit Jacques. C'est l'un des plus beaux Cukor. J'étais d'accord, je pensais même que c'était l'un des seuls bons Cukor. Tu exagères, comme toujours. Ça ne te fatigue pas ? Je lui ai dit que ce n'était pas une pose. Tu es sûr ? Sûr que j'en étais sûr. Ça venait du coeur. Je n'aime ni Cukor, ni Mankiewicz, ce sont des folles méchantes. Brillantes mais méchantes. Jacques n'était pas d'accord. Il y a de la grâce dans leurs comédies, de l'élégance dans leurs mélodrames, tu ne peux pas le nier, dit-il. Je répondis que c'était pure technique. Ce sont des ancêtres de Scorsese, si tu veux. Mais j'adore la Diablesse en collants roses. Ce qui distingue ce film des autres Cukor, c'est son côté Renoir. Jacques se trémoussa de plaisir sur sa chaise. C'est le Carrosse d'or de Cukor, dit-il en poussant de drôles de petits cris. J'étais d'autant plus d'accord que j'avais dû écrire ça une bonne dizaine de fois. Je ne te lis jamais, tu sais. Je le savais. Il n'avait pas le temps. Il était tout le temps fourré au cinéma. Je lui demandais c
Critique
La Diablesse en collants roses
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par Louis Skorecki
publié le 1er septembre 2005 à 3h29
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