Elle n'en revenait pas de savoir qu'il avait travaillé avec Hitchcock. Même si monsieur Daniel semblait inventer sa vie au fil des confidences, elle avait envie de le croire. Elle se doutait bien qu'il n'avait pas tourné avec Hitchcock, encore moins avec Walsh sur The Big Trail en 1930, il serait vraiment trop vieux, mais ça lui faisait plaisir de l'entendre égrener ses souvenirs. Moi, non. Je ne l'aimais pas beaucoup, ce monsieur Daniel. Trop lisse, trop bien habillé, trop bien coiffé. Hitchcock vous intéresse ? avait demandé monsieur Daniel à Caroline. Mais vous savez, c'était un régisseur comme les autres. Aucune considération pour les acteurs, aucun respect. Rien ne ressemble plus à un régisseur qu'un autre régisseur, avait-il ajouté. Il parlait à Caroline mais c'est moi qui répondis. Je lui dis que, pour une fois, j'étais d'accord avec lui. A son regard méprisant, je compris qu'il n'avait rien à faire de mes opinions sur le cinéma. Vous savez, dit-il en plissant les yeux, le cinéma ne m'intéresse pas, j'en ai fait pour des raisons strictement alimentaires. Ce sont les meilleures, dis-je, mais il ne me jeta même pas un regard. Il n'en avait que pour Caroline.
Elle lui avait dit qu'elle avait 13 ans. Il était tout excité. Elle en avait en fait presque 30, pensais-je, elle avait un sacré culot. Vous avez fait quels films avec Hitchcock, demanda-t-elle. L'Homme qui en savait trop et Topaze, répondit-il d'un air détaché, j'ai aussi un petit rôle dans les Oiseaux, j'ai eu un