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Libération
Critique

Les sauvages de Boston

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publié le 1er octobre 2005 à 3h54

Par quel tour d'antimagie Mankiewicz s'est-il livré, entre le faussement gothique Dragonwyck (1946), qui fut son premier film, et l'impérissable, même en mer, Fantôme de Mrs Muir (1947), les deux avec Gene Tierney, à ce pensum sur un personnage aussi terne que George Apley, honnête Bostonien du début du XXe siècle dont l'ouverture d'esprit est à peu près équivalente à celle d'une huître. un Mariage à Boston est une caricature des défauts supposés de Mankiewicz : bavard, théâtral bien sûr, sans effort de mise en scène, avec des enjeux dramaturgiques très relatifs.

Le film passe pourtant au scanner une figure essentielle de l'humanité, ayant pour fonction principale de lui pourrir la vie: le raseur. L'imbécile qui se croit intelligent, qui réunit sous un crâne unique l'innocent et le tyran, qui impose en toute inconscience la supériorité de la bêtise. Comme si Mankiewicz avait voulu, dès le début de son passage à la réalisation, après des années comme scénariste et producteur, exorciser ce qui allait nourrir mais également menacer ses films, son sens aigu de la psychologie, sa fascination pour le langage, son élitisme intellectuel dont il savait qu'il opérait sur lui comme un élixir, sans contre-poison possible car il le tenait de son père, universitaire autoritaire (il y avait aussi comme figure tyrannique dans la vie de Mankiewicz son frère aîné Herman, scénariste resté célèbre pour avoir accouché avec Welles du sujet de Citizen Kane, et qui fit venir son jeune frère à Hollyw