Des créatures cruciales, il y en a plein chez John Carpenter, prince de quelques mémorables ténèbres cinématographiques, dont l'un des premiers films, Fog (1980), émanation gazeuse immédiatement perceptible après le célèbre Halloween (1978), provoque un effet fraîcheur émouvant, comme un brumisateur d'eau thermale sur des yeux fatigués. Extraterrestres, enfants maléfiques, monstres, voiture vivante, anti-Dieu, homme invisible, les raisons de douter du réel ne manquent pas chez Carpenter qui s'en remit cette fois, avec une simplicité efficiente, aux conditions climatiques : l'expédition brumeuse qu'est Fog demeure un bijou que le temps qui passe n'entame pas, car le temps qu'il fait est sans âge. En général, les personnages entrent dans le brouillard et se perdent. Ici, c'est le brouillard qui se glisse dans les habitations, frappe aux portes et brandit un bras meurtrier. La nappe de blancheur scintillante qui arrive du fond de l'océan permet des plans à couper le souffle (certains tournés à Bodega Bay, dont le ciel abrita les Oiseaux du grand H), qui rejoignent l'abstraction déifiée du Solaris de Tarkovski. Fog est issu d'une matrice traditionnelle (mythes et légendes) où le fantastique s'investit dans des peurs enfantines. Le brouillard est un négatif de l'obscurité, il est un substitut envoyé par l'invisible dans un monde trop éclairé. Carpenter est un agent d'atmosphère qui installe un décor et une ambiance, qui actionne un songe. Jamais le rythme, à l'égal du pouls, ne s
Critique
Fog
Article réservé aux abonnés
par Isabelle POTEL
publié le 17 octobre 2005 à 4h07
Dans la même rubrique