Il y a une chose qu'on ne peut pas enlever à Ken Loach, c'est qu'il est anglais. On ne peut pas se passer du cinéma anglais, comme on ne peut pas vivre sans virées time to time dans les pubs londoniens. L'Angleterre a le foot, le rock et le cinéma social, question d'ambiance. Même quand elles yoyotent dans leur coin, les images british, bien qu'enfermées comme leurs consoeurs françaises dans des carcans identitaires, trimballent leur indispensable parfum insulaire. Ken Loach tourne trop et radote. Son militantisme schématique, sa larme à l'oeil de gauche ont vécu, parce que la violence économique et sociale qui s'annonce a besoin d'analyses nouvelles. La séparation du monde entre bons et méchants, ou prolos et patrons, est prise de vitesse par une complexité des rapports d'exploitation qui provoque un brouillard épais.
L'auteur de Riff-Raff (1990) connaît pourtant des retours en grâce, comme Sweet Sixteen (2002) sur un destin d'adolescent dans le nord de l'Angleterre, ou ce Navigators tourné un an plus tôt, qui ressemble presque à un premier film, grâce à la modestie étonnée avec laquelle il suit un groupe de cheminots à l'heure du démantèlement de British Rail. Comme si Loach avait laissé au vestiaire ses ficelles, se tenant dans une observation silencieuse et sans affect, comme s'il renouait avec ses débuts à la BBC, jeune débutant partant à la conquête de la rue avec une caméra baladeuse. Une poignée d'hommes qui travaillent au dépôt de chemin de fer de Sheffield dans le Y