Dans le film Lancelot du lac de Robert Bresson, un personnage dit que, lorsqu'on entend le pas d'un cheval avant de voir son cavalier, c'est signe que la mort est en marche. Sur l'une des cartes postales que Raimund Hoghe lit à l'écran, il est écrit : «Tu penses à un cheval et tu vois passer un cavalier.» C'est signe que la mort et la vie trottent l'amble. Associé de nos jours à une allure défectueuse, l'amble était autrefois l'apanage des montures appréciées par les dames. Cartes postales, le documentaire que Richard Copans a réalisé sur et avec le chorégraphe allemand, est un éloge de l'amble, un hymne à l'asymétrie de la danse.
Ancien dramaturge de Pina Bausch, Hoghe a la taille du Primo de Vélasquez et la conformation d'un autoportrait de Francis Bacon. Quand il ôte son pull, il présente la morphologie d'un plissement hercynien. A cet instant, il est filmé de dos. Lorenzo De Brabandere, son comparse, lui dessine alors sur la peau une ligne rouge qui serpente de la nuque à la taille. Tout l'art de Hoghe et de son partenaire tient peut-être à la définition du zigzag : une ligne brisée qui forme des angles alternativement saillants et rentrants. Et toute la patience de Copans va consister à choisir le bon angle, ni trop aigu, ni trop obtus.
De loin, parfois de très loin, en plongée, le cinéaste donne du champ aux deux protagonistes. La caméra se fait si discrète qu'on l'oublie pour ne voir que des gestes simples se dérouler dans un décor à la beauté vacante. Ici, un verger en