Il est bon de retourner de temps en temps à l'école. Celle du crime, par exemple. Ce jour, exposition à Beaubourg oblige, le corps du délit c'est Dada. Au moins, ici, les suspects ne manquent pas. L'enquête fait le grand écart entre Paris, Zurich, Barcelone et New York et convoque une belle théorie de larrons, tous plus suspects les uns que les autres, Tzara, Duchamp, Man Ray, l'interne André Breton et Hugo Ball qui lance en juillet 1914 : «Il nous manque un théâtre de passion, un théâtre expérimental. Il faut réveiller les archétypes et se servir de mégaphones. Il faut animer les mots et les sons d'une telle manière que passant par l'inconscient ils dévorent le quotidien et toute la misère.» La pièce qui s'annonce sera sanglante, là-bas, vers l'est. «Ce qui vient d'éclater, c'est le machinisme, le diable en personne», dit encore Hugo Ball. Dans les villes, les enfants de l'Europe moribonde constatent que «le monde est devenu une marchandise» et décident de jouer avec cette affaire-là. De l'autre côté de la mer, Duchamp pose son urinoir. Ici, Richard Huelsenbeck aimerait «battre du tambour africain jusqu'à faire rentrer la littérature sous terre». Bientôt, Hôtel des Grands Hommes, ce sera l'écriture automatique, telle que le psychiatre Pierre Janet la décrivit. On entend Philippe Soupault en parler, c'est émouvant.
Tout cela fait de drôles d'histoires, de saignantes humeurs, que décrit ce documentaire à l'invention visuelle gentillette (Jean-Christophe Averty n'a rien à crain