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Libération

Le mollah

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publié le 16 novembre 2005 à 4h34

Tout à l'heure, nous l'avons vu expliquer aux enfants assis en rond qu'on ne peut additionner dix vaches et cinq chèvres. Lorsque les villageois le croisent, ils lui prennent la main et courbent la tête. Maintenant, nous voici sous son toit. Cet homme est mollah, gardien de la mosquée et responsable de l'école coranique. Sa jeune femme est couchée sur une natte, le visage protégé par un drap. Elle est enceinte et tuberculeuse. Nous sommes dans le centre de l'Afghanistan, village de Zartalé, à 2 800 mètres d'altitude. L'homme décide d'emmener son épouse à l'hôpital de Chaghcharan, très loin, à la ville. Enveloppée dans un tchador bleu, elle est hissée sur un âne. Elle s'affaisse légèrement sur le côté. Il tient la longe. Ils traversent ainsi la montagne (1).

Ils sont arrivés. Elle est fourbue. Elle a dit avoir mal au ventre jusque dans le dos. On lui a pris son sang. Un docteur a demandé au mollah s'il avait de quoi payer les médicaments. Il a dit non. L'homme et la femme sont dans un couloir, assis, dos au mur. Elle tousse, le visage dans l'ombre de son voile. «Même si tu ne guéris pas, on rentre», dit le mari. «Mais ce n'est pas de ma faute», murmure sa femme. «C'est à toi de vouloir guérir.» Elle a 21 ans peut-être, c'est lui qui a répondu aux questions du médecin. Elle jette des regards inquiets. «J'ai mal.» «Il faut éviter qu'ils te gardent ici», répond le mari. «C'est Dieu qui décide. Je n'arrive pas à respirer», souffle sa femme. «C'est ça», lâche l'autre. «Surtout ce m