A chaque film, Almodovar approfondit davantage le vertige de la fiction, le tourbillon narratif que chaque histoire devient dès qu'elle réalise la multitude d'histoires qui grouillent en son sein. L'histoire humaine est une totalité monstrueuse, où comme dans un gigantesque échangeur autoroutier, se croisent, s'enchevêtrent ou se tirent une bourre parallèle d'infinis récits. Dans la Mauvaise Education, le plan du visage de l'enfant abusé sexuellement par un curé se déchire en deux selon le parcours d'un filet de sang résultant d'une chute alors qu'il tentait de fuir. La métaphore de l'image qui se scinde dit le clivage d'une identité, d'une vie, mais elle exprime également la parthénogénèse de tout récit. La césure dévoile par ailleurs un autre plan, comme une feuille dissimulée sous une autre, celui d'un homme en train de lire un manuscrit où il puise, en plus de ses souvenirs personnels, l'image mentale de cet enfant qu'il aima et tortura. L'esprit est l'écran où nos pensées se projettent en images.
Images mentales avant toute chose, que les plans tentent d'ordonner, qui se bousculent dans un maelström dont Almodovar extrait un habile thriller sur le thème de la création, pari toujours risqué. Qui est Ignacio, l'ex-enfant abusé qui aimait un camarade devenu cinéaste et qui veut maintenant se venger du curé qui les sépara ? Qui est Angel (Gael Garcia Bernal) qui veut jouer à tout prix le rôle de Zahara, le travesti inventé par Ignacio dans son manuscrit ? Entre les personnag